Avec un environnement économique et politique qui se dégrade, les réserves prouvées l’an dernier ont baissé de 6% et sont tombées à 10,4 milliards de barils (12 ans de production au rythme actuel).Les investissements – souvent équivalents au bénéfice annuel (16,1 milliards de dollars pour Total en 2007 en progression de 8 %) – ne se traduisent pourtant pas par une hausse de la production tant les contraintes sont fortes. Une partie de ces sommes est absorbée par l'envolée des coûts des projets, comme à Sakhaline (Russie) ou à Kashagan (Kazakhstan). ExxonMobil a augmenté ses investissements de 40 % en trois ans pour voir sa production reculer de 1 % en 2007. En 2007, Total a dû ramener de 5 % à 4 % sa prévision de hausse de la production annuelle moyenne sur la période 2006-2010.
Shell a perdu 4,5 % (à 3,3 millions de barils, en baisse constante depuis le pic de 2002) et s'attend encore à une légère baisse en 2008. BP a pompé 3 % de moins qu'en 2006 (3,8 millions de barils) et Chevron 1 % de moins. Les grandes compagnies tablent sur la mise en production de nouveaux gisements en 2008-2009 : Total en Angola, Shell en Australie, BP dans le golfe du Mexique… Toutes s'intéressent à la Russie et à l'Asie centrale.
Les résultats des majors reflètent aussi leurs nouvelles relations avec les Etats où elles produisent. Total, BP, Chevron et l'italien Eni ont accepté les conditions imposées par le président vénézuélien Hugo Chavez, qui laisse à la compagnie publique PDVSA 60 % des grands projets d'extraction d'huiles extra-lourdes de la région de l'Orénoque. ExxonMobil a refusé, tout comme ConocoPhillips, qui a ainsi subi une dépréciation d'actifs de 4,5 milliards de dollars en 2007. Depuis deux ans, Shell perd des dizaines, voire des centaines de milliers de barils par jour au Nigéria en raison d'attaques répétées de ses installations. Au point que la compagnie vient de se déclarer en situation de « force majeure » et suspendre la livraison de certains clients.
Les compagnies internationales n'ont accès qu'à 15 % des réserves d'or noir de la planète. Plus des trois-quarts sont détenus par les entreprises publiques des pays producteurs. SaudiAramco (Arabie saoudite) dispose d'environ 260 milliards de barils, ses homologues iranienne (NIOC) et irakienne (INOC) ou koweitienne (KPC) ont respectivement 13 %, 11 % et 10 % des réserves mondiales. Pour les reconstituer, les majors occidentales doivent explorer de nouveaux territoires au prix d'investissements de plus en plus lourds et risqués politiquement, financièrement et environnementalement : huiles extra-lourdes du Venezuela, sables bitumineux du Canada, pétrole des eaux profondes du golfe de Guinée et de l'Arctique, ces derniers étant devenus plus accessibles en raison de la fonte de la banquise.
Il existe donc peu de raisons de croire qu’à long terme le prix du baril n’aura pas une hausse exponentielle.