Plus d'éoliennes, pas moins de CO2 ?

Le développement de l'éolien est incontestablement une bonne affaire pour les communes comme pour les entreprises qui s'y emploient. Bien que l'électricité produite par le vent soit actuellement parmi les plus coûteuses, sa rentabilité est assurée par une taxe prélevée sur les factures de tous les abonnés. L'objectif est précisément d'encourager la croissance de cette énergie renouvelable.Mais ce qui est bon pour les communes et pour les entreprises l'est-il pour la collectivité ? Les éoliennes sont-elles un moyen efficace de lutter contre le changement climatique ? La réponse semblait évidemment oui. Jusqu'à la publication d'une étude réalisée par la Fédération environnement durable, rassemblant des associations opposées aux éoliennes, qui jette un pavé dans la mare (voir http://environnementdurable.net).

L'auteur de l'étude, Marc Lefranc, vice-président de la fédération, a comparé l'évolution des émissions de CO2 (gaz carbonique), le principal gaz à effet de serre, des pays qui ont le plus développé en Europe les éoliennes. Logiquement, puisque les éoliennes n'émettent pas de CO2, ces pays devraient présenter un bilan particulièrement favorable.

Mais les chiffres de l'office statistique européen Eurostat montrent que l'Allemagne, malgré un parc éolien de plus de 18 000 MW, a vu les émissions de CO2 par habitant provenant du secteur de l'énergie non pas décroître mais augmenter de 1,2 %, entre 2000 et 2005. L'Espagne, avec plus de 10 000 MW, a connu une augmentation de 10,4 % sur la même période. Le Danemark, champion mondial des éoliennes compte tenu de sa faible population, connaît une baisse de 11 %. Mais, en fait, observe M. Lefranc, le doublement des importations d'électricité du Danemark explique en grande partie ce bon résultat. Au total, résume le document, le développement de l'éolien présent un bilan « très décevant du point de vue économique et environnemental ».

Certes, il faut tenir compte des circonstances. Ainsi, l'Espagne a-t-elle connu un développement économique très important, qui a fait exploser la consommation d'électricité. L'Allemagne a intégré sa partie orientale, dont la consommation électrique a fortement augmenté pour rejoindre le niveau de la partie occidentale. Et l'on peut se demander si, sans éoliennes, leurs émissions n'auraient pas été encore plus élevées.

Mais l'étude pose une question étonnamment négligée par les institutions énergétiques : dans quelle mesure l'éolien peut-il réduire les émissions de CO2 ? Une analyse a été menée indirectement, en France, par Réseau de transport d'électricité (RTE), sur le problème de l'intermittence de la fourniture d'électricité par les éoliennes. Celle-ci peut contraindre à recourir à des centrales thermiques quand des pointes de consommation, en hiver, se conjuguent à une absence de vent. En fait, observe RTE dans son Bilan prévisionnel 2007, les « excursions de puissance à satisfaire par les équipements thermiques sont accrues de manière de plus en plus conséquente quand le parc éolien s'étoffe ».

Les experts favorables à l'éolien ont du mal à répondre à la question posée par l'étude de la Fédération environnement durable. « Si la consommation augmente quand la population augmente, cela absorbe le petit gain permis par l'éolien », observe Pierre Radanne, expert indépendant. « Il est sûr que, si l'on ne fait pas d'effort d'économies d'énergie, l'éolien ne sert à rien », dit Raphaël Claustre, directeur du Centre de liaison des énergies renouvelables.

« RÉDUIRE LES CONSOMMATIONS »

En fait, l'éolien n'a de sens que dans le cadre d'une politique globale de l'énergie visant à maîtriser la consommation d'électricité : « La première chose à faire est de réduire les consommations, note Jean-Louis Bal, chargé des énergies renouvelables à l'Ademe, mais personne ne le fait. »

Le raisonnement est confirmé par Jean-Marc Jancovici, ingénieur et membre du comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot : « Ce qu'on voit en Allemagne et en Espagne, c'est que plus d'énergies renouvelables ne signifie pas forcément moins de combustibles fossiles. En fait, les promoteurs de l'éolien font comme les promoteurs du nucléaire : ils favorisent une politique de l'offre, alors que c'est une politique de la demande qui est nécessaire. Mieux vaut inciter la société à accepter une hausse du prix de l'électricité qui la poussera à réduire sa consommation, que de développer l'éolien. »

Alors que l'on prévoit 7 000 MW d'énergie d'origine éolienne en France en 2012, le parc de centrales thermiques à gaz devrait aussi augmenter de près de 10 000 MW.

Suite à la publication de ces articles, le Ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement Durables (MEDAD) et l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), dans une note d’information, ont tenu à rappeler que « le développement des énergies renouvelables, associé à une politique ambitieuse d’économies d’énergie, s’inscrit dans l’objectif de diversification des approvisionnements énergétiques de la France, dans le cadre de la stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% défini par le Conseil Européen de mars 2007. L’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement est de réduire la part des énergies carbonées et d’augmenter la part des renouvelables de 20 Mtep en 2020 afin d’atteindre une proportion d’au moins 20% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie. Ceci suppose une augmentation de toutes les énergies renouvelables»

Concernant plus particulièrement les émissions de CO2, la note d’information indique que sur l’année 2008, l’éolien permettra d’éviter l’émission de 1,65 million de tonnes de CO2. Pour le Ministère et l’ADEME qui semblent retenir d'autres éléments des scénarios prévisionnels de RTE, la production éolienne se substitue bel et bien essentiellement à des productions à partir d’énergies fossiles. « En 2020, un parc de 25.000 MW devrait permettre d’éviter l’émission par le secteur énergétique de 16 millions de tonnes de CO2 par an », poursuit la note.

SOURCE : LE MONDE