Dans les simulations thermiques dynamiques, la température du sol est fréquemment considérée indépendamment des caractéristiques du bâtiment (forme, température intérieure, niveau d’isolation…). La température du sol est alors modélisée comme une sinusoïde dont les paramètres ne dépendent que du lieu géographique et de la nature du sol. Pourtant, dans le cas de bâtiments à l’emprise importante, les intéractions entre celui-ci et le sol vont modifier durablement la température du sol, et donc les conditions aux limites au niveau du plancher. Dans le cadre de la conception d’un tel bâtiment (8 500 m² de plancher sur terre-plein), nous avons affiné cette modélisation à l’aide du logiciel TRNSYS.
Une simulation complète avec modélisation fine des échanges avec le sol étant trop complexe et trop gourmande en temps de calcul, nous avons effectué plusieurs étapes. Une première simulation « classique », avec une modélisation sommaire du sol, a permis de déterminer les températures de grandes zones du bâtiment. Une autre modélisation a ensuite été réalisée, très sommaire au niveau du bâtiment (et en imposant directement les températures intérieures grâce à la simulation précédente) mais très précise au niveau des échanges avec le sol. Cette dernière a ainsi permis de connaître les températures réelles du sol, réutilisées ensuite pour améliorer le premier modèle de base.
Figure 1 : Schéma de principe de la démarche
Cette étude a montré qu’un bâtiment de cette taille n’est pas sans effet sur le sol en dessous de lui : si on peut toujours modéliser la température du sol par une sinusoïde, celle-ci est considérablement modifiée. Comme illustré sur le graphique suivant, la température moyenne du sol a ainsi nettement augmenté (près de 17°C, contre une valeur habituellement retenue de 12°C) et les variations annuelles ont été amorties (moins de 4°C entre le maximum et le minimum annuels, contre 7 ou 8 dans les simulations classiques).
Figure 2 : Modification de la température du sol
La conséquence de cette nouvelle modélisation du sol est naturellement une diminution des pertes par conduction, qui a plaidé pour une isolation simplement périphérique du plancher, plutôt qu’une isolation continue. Au prix d’une augmentation contenue des besoins de chauffage (5% environ), cela permet une économie considérable pendant la construction. Et, également, une amélioration du confort estival.
En effet, dans des bâtiments bien isolés et largement vitrés comme celui-ci, l’un des enjeux principaux est de maîtriser les problèmes de surchauffe et les risques d’inconfort en été. Or, si se contenter d’une isolation périphérique n’entraîne qu’une hausse contenue des besoins de chauffage, l’amélioration du confort d’été et la diminution des besoins de rafraichissement peut être significative. En effet, la température du sol est supérieure à celle de l’air en hiver, et inversement en été. La dégradation du niveau d’isolation de la dalle basse a par conséquent un impact relatif beaucoup plus important en été : les pertes thermiques (cette fois souhaitables car participant au rafraîchissement de l’ambiance) seront doublement encouragées vers le sol.
Figure 3 : Principe des variations relatives des flux thermiques en hiver et en été
Une analyse précise de la répartition de ces échanges a été menée sur la salle la plus grande, un gymnase de plus de 1000 m² de surface au sol. En hiver, le fait de ne plus isoler le plancher de manière continue a augmenté les pertes par conduction de 30%, la part des pertes par le sol passant de 7 à 33%. En été, l’effet est démultiplié : l’énergie évacuée vers l’extérieur augmente cette fois de plus 160% en retirant l’isolation, la part des pertes par le sol dans le bilan total passant de 25 à 86%. De manière relative, l’effet est donc beaucoup plus positif en été qu’il n’est négatif en hiver.
Figure 4 : Part du plancher pour les pertes par conduction