Le temps du déni est révolu et l’équation du salut désormais connue : la hausse des températures doit être enrayée, sous peine d’un emballement du climat aux effets inconnus mais potentiellement dangereux pour la vie sur Terre. L'Union européenne occupe une position unique pour faire face aux conséquences des changements climatiques pour la sécurité internationale, compte tenu du rôle de premier plan qu'elle joue dans le domaine du développement et la politique climatique à l'échelle mondiale et du large éventail d'instruments dont elle dispose. Stabiliser la hausse des températures à 2°C d’ici à 2050 suppose une réduction drastique des émissions : - 25% au minimum en 2020, - 75% en 2050 pour les pays industrialisés. Reste à savoir comment. Cette urgence en rencontre une autre : celle de boucler le contenu des futures négociations climatiques, inhérentes à la deuxième période du Protocole de Kyoto, qui s’ouvrira en 2012, et pour laquelle la communauté internationale doit rapidement s’accorder sur les futurs objectifs de réductions d’émissions de gaz à effet de serre.
La Commission prépare la feuille de route des Européens. Malheureusement, l’objectif de réaliser, par le biais de mesures contraignantes, une part des réductions des émissions futures grâce aux économies d’énergie a été écarté.
C’est un autre dispositif qui a été privilégié : la refonte du système européen d’échange de quotas de CO2. Entré en vigueur le 1er janvier 2005, le système communautaire d’échange de quotas d’émissions préfigure le marché mondial de carbone prévu par le Protocole de Kyoto. En Europe, ce marché ne concerne pour le moment que les industries lourdes, à l’origine de 40% du volume total des émissions européennes. Il reste donc à élargir la portée du système des quotas à d’autres secteurs, tels que les transports aériens, en forte croissance. Cette priorité se justifie par la nécessité de rendre efficace, sur un plan écologique, ce système qui jusqu’à présent s’est illustré par son incapacité à enrayer les émissions de gaz à effet de serre. En raison d’une surallocation des quotas accordés par les Etats aux industries lourdes et aux électriciens, le prix de la tonne de CO2 a atteint son plus bas niveau fin 2007 : moins d’un euro la tonne d’équivalent CO2.
La Commission en a tiré la leçon : puisque les Etats ont cédé à la pression des lobbies industriels et leur ont accordé des quotas de CO2 en abondance, ils se voient retirer la faculté d’allouer ces quotas. C’est désormais la Commission qui en aura la compétence. Pour que le dispositif ait quelque chance d’avoir un impact réel sur les émissions de CO2, les Européens envisagent la mise aux enchères des quotas de CO2, sorte de droit d’entrée payant pour accéder au système. Jusqu’à présent, la gratuité d’accès aux certificats de CO2 profitait aux industriels : une manne estimée à quelque 15 milliards d’euros. A partir de 2013, la totalité des quotas destinés au secteur énergétique sera mise aux enchères. Cette dîme reviendra aux pays membres et permettra en principe de financer des politiques sectorielles en faveur des énergies renouvelables ou de l’efficacité énergétique, sous réserve que les Etats membres ne la reversent pas à leur budget général.
Or l’encadrement du système va être déterminant pour sa crédibilité internationale. En instituant en 2005 un marché européen d’émissions, l’Union européenne est devenue un laboratoire unique au monde de marché du carbone, dont le bilan écologique s’est avéré peu convaincant en raison du laxisme des Etats. Il lui faut donc réformer le système pour qu’il parvienne à établir un prix à la tonne de CO2 suffisamment dissuasif pour limiter le recours aux permis d’émission et encourager des comportements écologiquement vertueux.
Le marché européen des quotas est le marché de référence. En matière de climat, l’Union européenne produit des normes vouées à être mondialisées étant donné son rôle moteur dans les négociations climatiques. Il importe de parvenir à une efficacité environnementale de ces processus. En clair, plus la tonne de CO2 sera chère, moins elle sera prisée. Pour éviter les fuites, il s’agit d’unifier le système par un mécanisme d’ajustement à la frontière, en proposant un instrument d’égalisation qui obligerait tout exportateur passant par l’Union européenne d’acheter des quotas dans l’espace européen. De même pour les compagnies aériennes extra-européennes, qui se verraient ainsi soumises aux mêmes conditions que les compagnies européennes. Celles-ci n’auraient plus de raison de continuer à réclamer des quotas gratuits de CO2 alors que le compte à rebours climatique a commencé.