Nous vous avions déjà parlé en novembre 2021 de notre visite du Groupe Scolaire Simone Veil à Rosny-Sous-Bois et de la forte impression qu'avaient faites sur nous les équipes de la ville de Rosny-sous-Bois et leur capacité de développement de solutions toujours plus vertueuses, grâce à leur département Recherche & Innovation.

Un an plus tard, Amoès a visité trois nouvelles constructions avec Ekopolis, en partenariat avec le Collect'IF Paille / RFCP et Topophile : il s'agit cette fois-ci de projets parfois en phase chantier qui nous ont permis de voir l'envers du décor et d'échanger avec des membre de la maîtrise d'œuvre.

Rosny va plus loin et expérimente les constructions en paille porteuse

Désireuses d'aller vers des solutions toujours moins carbonées et toujours plus low-tech, les équipes de Rosny-sous-Bois ont relevé le défi d'un bâtiment ERP en paille porteuse. Ce projet fait suite à une première expérimentation, pour l'école maternelle Les Boutours, de paille porteuse en rez-de-chaussée. Ici, la paille porteuse concerne l'enveloppe extérieure sur trois façades et sur les deux niveaux du bâtiment (RDC et R+1).

Le procédé de paille porteuse n'est pas une technique dite "courante". Un certain nombre de conditions ont donc dû être réunies pour assurer le succès du projet :

• Choix d'un bureau de contrôle en amont de l'esquisse et identification au plus tôt des analyses et tests à mener. En particulier, un test de résistance au feu a été réalisé : lors de ce test, la paroi a tenu plus de 2h, ce qui est bien supérieur aux 30 minutes requises pour cet ERP.
• Identification des dispositifs de financement pour lesquels le projet serait éligible. Ici, le projet a pu bénéficier d'un support financier dans le cadre de l'appel à projet de recherche "Bâtiment responsable" de l'ADEME.
• Identification des rares artisans et entreprises disposés à s'engager dans ce type de travaux. Ici, Rosny s'est tournée vers l'entreprise ayant participé à l'expérimentation de paille porteuse en RDC des Boutours. Accompagner la montée en compétence des entreprises représente un réel enjeu pour la Ville.
• Implication du RFCP (Réseau français de la construction paille) qui travaille en parallèle à l'élaboration de règles professionnelles pour les constructions en paille porteuse.
• Analyse de la bonne gestion de l'humidité : la paille porteuse étant plus compressée que la paille utilisée en remplissage, la gestion d'humidité comporte plus de risques. De nombreux calculs dynamiques des transferts hygrothermiques à travers les parois ont été réalisés, notamment avec le logiciel WUFI. En complément, des parois ont été instrumentées afin de suivre l'humidité à cœur pendant l'exploitation du bâtiment. Des corniches en nez de dalle permettent également de protéger l'enveloppe extérieure des écoulements pour éviter une humidification prolongée.

Le projet reprend le même principe de ventilation naturelle double flux développé sur les précédentes écoles de la ville de Rosny-sous-Bois (voir à ce sujet notre article sur le groupe scolaire Simone Veil) avec cette fois une modification pour aller dans le sens de la sobriété : des registres gérés manuellement avec une manivelle.

Rosny fait des émules en région parisienne : École élémentaire Claudie-Haigneré à Achères

La ville d'Achères, très impressionnée par les réalisations de Rosny-sous-Bois, a souhaité réaliser sa nouvelle école en construction paille avec ventilation naturelle double-flux.

L'école sur trois niveaux (R+2) comporte une structure bois, sauf quelques éléments de soubassement noyau en béton, ainsi que des planchers bois béton qui permettent d'améliorer le confort d'été. Des brasseurs d'air et des systèmes de géocooling y participent également. L'enveloppe est quant à elle constituée d'élément préfabriqués avec remplissage paille, non porteurs et habillés d'un bardage bois.

Les équipes du projet soulignent l'important du temps passé à la conception de la ventilation naturelle double flux et le soutien reçu de Rosny-sous-Bois sur le sujet. Plusieurs études CFD (étude de dynamique des fluides) ont permis d'étudier les flux d'air : plusieurs formes de toitures et de cheminées ont été testées afin d'identifier le profil qui permettrait de maximiser la dépression et donc le tirage thermique. Le fonctionnement de la ventilation naturelle étant dépendant des conditions extérieures, des dispositions ont été prises pour compenser les périodes où le tirage thermique naturel est plus faible :

• Sonde d'induction d'air dans les tourelles pour "créer" ou "stimuler" un flux d'air lorsqu'il n'y a pas de vent
• Système de by-pass pour maximiser le flux en évitant les pertes de charge de l'échangeur (pour une partie du flux)
• En dernier recours, une ouverture des fenêtres peut être nécessaire (sur information de capteur CO2 avec voyant). Cette éventualité n'est envisagée que pour des températures extérieures supérieures à 15°C. En effet, la ventilation naturelle fonctionne en général beaucoup mieux en hiver du fait de l'écart de température entre l'intérieur et l'extérieure plus important, et donc favorable à un bon tirage thermique.

École maternelle Jules Ferry à Montfermeil : la technique du GREB

Parfaite illustration du "nouveau BTP : Bois/Terre/Paille", ce projet d'école maternelle comprenant 13 classes et un centre de loisirs combine à la fois des matériaux biosourcés (bois et paille) et géosourcés (terre crue). La conception du projet a été guidée par des approches de frugalité et de low-tech.

Il s'agit d'un bâtiment sur deux niveaux (RDC et R+1). Comme pour le projet précédent, la structure est en bois (poteaux, poutres, planchers) sauf quelques éléments de soubassement et noyau en béton. L'isolation des murs extérieurs et de la toiture est réalisée avec de la paille et du chanvre. La terre crue est utilisée pour les murs intérieurs et de la terre coulée est prévue pour les enduits de finition et le sol des dortoirs.

L'enveloppe est composée d'un remplissage paille (365 mm). Les bottes, posées sur chant, sont enduites sur les deux faces par de la terre crue (45 mm). L'enduit de finition intérieur est composé de terre crue (20 mm) et l'enduit de finition extérieur mélange chaux et plâtre (20 mm). Le contreventement de l'ensemble est assuré par du mortier léger.

Cette technique du GREB (Groupe de recherches écologiques de la baie, situé au Québec) permet d'obtenir une façade totalement perspirante. Aucun pare-vapeur n'est donc nécessaire. La vapeur d'eau migre de l'intérieur de la paroi vers l'extérieur sans rencontrer d'obstacle.

La terre crue est également utilisée sous forme de cloisons en brique de terre crue. Son usage permet d'apporter de l'inertie au bâtiment et d'améliorer le confort d'été.

la terre provient d'une part du site de construction d'autre part, de Cycle terre. A noter que des tests de toxicité de la terre du site ont dû être réalisés au préalable : une partie de la terre identifiée comme polluée n'a pas pu être utilisée dans le projet.

Les points forts du projet sont également :

• une conception sans système de chauffage, mis à part les batteries chaudes sur les CTA pour assurer la relance suite aux périodes d'inoccupation prolongée ;
  
• des systèmes de ventilation décentralisés, classe par classe. Chaque salle d'enseignement dispose donc de son placard technique avec son système de traitement d'air. Cela implique des contraintes notamment d'encombrement et d'accessibilité, mais présente l'avantage d'une meilleure adéquation de la ventilation avec les besoins de la classe, et d'une absnece de réseaux en circulation ;
  
• une démarche Passivhaus ;
  
• une couverture photovoltaïque qui permet de couvrir 65% des besoins de l'école.

 

Conclusion

Ces trois visites nous ont montré la diversité d'utilisation de la paille dans des projets contraints, puisqu'il s'agit d'ERP accueillant des enfants. C'est avec plaisir que nous avons constaté l'inventivité de ces trois projets et l'enthousiasme des équipes à expérimenter de nouvelles solutions et mises en œuvre !